Intolérance
A l'heure du café chaud et du pain d'épices
(C'est encore meilleur lorsque s'invite un bon bleu d'Auvergne - Un petit rappel : le pain d'épices est d'origine chinoise)
je vais vous conter une méchante histoire
d'intolérance face à la différence.
Ah Le XVIIème ! C'était aussi le temps des belles-mères mal contentes de leurs gendres !
En 1595, Charles baron d'Argenton (je précise bien Charles car Philippe de Comines fut également Seigneur d'Argenton), né le 8 avril 1570 épousait Magdelaine de La Chastre (ou La Châtre suivant les textes), une "Damoiselle de grande et ancienne maison" puisque fille de Gaspard Seigneur de Nançay et de Gabrielle Batarnay.
Comme cela se faisait souvent à l'époque dixit Sébastien Rouillard en 1610 dans "Les reliefs forenses",
"soit par gaillardise nuptiale ou par curiosité venant d'ailleurs, quelques dames proches parentes de l'espousée auroient eu la veuë du linceul tesmoin du congrès absolu".
En un mot, ce fut un mariage consommé.
Pendant quatre ans point de problème dans le couple de notre baron,
mais belle-maman était là !
L'influence néfaste de sa mère ajoutée à des aiguillons trompeurs d'une imagination frivole firent
que "l'esprit de la femme, pour son imbécillité, se rendit aisément susceptible d'impressions sinistres".
Toujours sans enfant, Magdelaine de La Chastre fut persuadée de l'impuissance de son mari.
Pour ce pauvre homme ce n'était que le début d'un long chemin de croix.
Poussée par sa mère, Magdelaine porta plainte à l'official de Sens qui ordonna promptement l'inspection détaillée de l'intimité du baron.
Je vous fais grâce de tous les termes exacts du constat (il y a de quoi rire cependant cela pourrait choquer de prudes lectrices !),
mais il en résulta : "bourse sans boulettes".
Le pauvre baron protesta, ce qui était caché, existait!
Il réclama le congrès. On lui refusa sous prétexte d'épargner la pudeur de cette malheureuse Magdelaine de La Chastre.
(Cela faisait pourtant quatre ans qu'il y avait congrès !)
Le pauvre accusé se tourna vers le haut primat de Lyon. Pas de chance : sentence confirmée.
Il se tourna alors vers Rome. Résultat identique.
Sans se laisser abattre l'homme entreprit une nouvelle démarche auprès du Saint-Père lui demandant de prendre l'affaire en main propre.
Le Saint-Père accepta mais Magdelaine fit "appel comme d'abus".
Autant vous dire que l'intimité du baron Charles d'Argenton était devenue célèbre et qu'elle faisait partie de toutes les conversations, suscitant une très vive polémique tant "philosophique" que "médico-légale".
L'avocat du pauvre baron un certain Du Marché fit appel à des chirurgiens, des théologiens qui apportèrent moults arguments. De son côté Charles criait qu'il était bien constitué puisqu'il avait de la barbe au menton.
(Théorie que l'on trouvait dans les écrits d'Hippocrate et d'Ambroise Paré)
Tout cela en vain, le baron Charles d'Argenton perdit son procès en 1600.
L'affaire ne faisait que commencer.
Le baron d'Argenton fit appel à l'avocat Sébastien Rouillard de Melun (auteur du Capitulaire) qui reprit les thèmes de l'avocat Du Marché. S'élevant au niveau des principes philosophiques il démontra à grand renfort de sophisme que dans la vie l'occulte a toujours un rôle à jouer.
Mais la chose jugée n'en fut pas pour autant ébranlée, et, le 3 février 1604, à 34 ans, notre pauvre baron Charles d'Argenton mourut en son château de Farcheville sans avoir été réhabilité.
Belle-Maman avait gagné. Elle avait gâché la vie de son gendre (et quelque peu celle de sa fille).
Mais la médecine légale allait enfin pouvoir résoudre ce problème.
L'autopsie de ce trop célèbre cadavre fit courir le Tout Paris.
Elle se déroula en présence de médecins, de chirurgiens ainsi que de nombreux gentils-hommes. On imagine sans peine le spectacle.
A la stupéfaction générale
"ses deux tesmoins, que la nature avoit cachés, apparurent et, estant anatomisés, se treuvèrent pleins comme ceux d'autres hommes dont procès verbal fut dressé".
A titre posthume le baron Charles d'Argenton fut déclaré puissant, tandis que la faculté de médecine de Paris admettait devoir remettre à jour certains de ses critères. Cette décision devait faire jurisprudence.