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Le petit carnet de Maxence
23 avril 2008

Etes-vous Pélargomanes ?

Copie_de_Pelargonium_blattariumpelargonium_eriostemongeranium_lanuginosum


Jusqu'à la moitié du XVIème siècle les plantes cultivées dans les jardins en Europe provenaient de l'Europe et de la région méditerranéenne, et la diversité ne manquait pas! Les passionnés de l'époque élisabéthaine s'intéressaient aux variétés à fleurs doubles, à leurs déformations curieuses et aux couleurs multiples.

(acanthes aux multiples teintes, ancolies rayées, muguets rouges et roses, formes doubles pour giroflées et soucis, primevères aux motifs insolites, etc...)

En 1560 il y eut la première grande vague d'introduction de plantes en provenance de l'Empire Ottoman avec crocus, perce-neige, erythroniums (oui, allez les voir sur google-images) , ornithogales (ou Dames de 11 heures), cyclamen, jacinthes, lis, fritillaires, renoncules, nigelles, physalis, lilas, hibiscus, lychnis, les premiers rosiers jaunes et les fameuses tulipes. Cela grâce à Ogier Ghiselin de Busbecq, ambassadeur du Saint Empire romain germanique qui se trouvait à Constantinople de 1554 à 1562. Ces fleurs n'étaient pas seulement destinées au jardin, certaines étaient destinées à des expositions. Au XVIIème et XVIIIème, d'abord en Angleterre, puis en Europe, des sociétés concouraient pour la production et l'exposition de nouvelles variétés.

(Et ce pour huit catégories :tulipes, jacinthes, primevères auricules, primevères plyanthus, oeillets, oeillets mignardise, anémones, renoncules)

Alors que quelques plantes avaient été introduites d'Amérique du Nord avant 1600, l'afflux des espèces du Nouveau Monde débuta vers 1620 amenant : tradescantias, trillums, rudbeckias, spirées, asters ou vigne vierge de Virginie.

Les plantes du sud de l'Afrique mirent plus de temps pour rejoindre l'Europe. Il fallut attendre que la Compagnie Hollandaise des Indes installe un établissement permanent au Cap pour que les bateaux ramènent dans leurs cales le premier spécimen de Pélargonium dit Geranium indicum noctu odoratum (ce qui se traduit en :Géranium des Indes odorant pendant la nuit) ou aussi nommé "Pelargonium Triste". En 1633 on le trouve cité dans une édition révisée de l' "Herbier" de Gerard par Thomas Johnson qui, (accrochez vous correctement), l'avait vu dans le jardin d'un botaniste et collectionneur  britannique John Tradescan le Jeune, qui lui-même l'aurait tenu d'un horticulteur français un certain MORIN. (non ce n'est pas Vil Morin même si on aurait sûrement pu en trouver dans la boutique du botaniste Philippe Victoire de Vilmorin dès 1770 à Paris, c'était dans "La Nouvelle Maison Rustique" en 1760 que l'on trouvait déjà plusieurs sortes de Pélargoniums y compris avec feuillage panaché).

geranium_triste

Pourquoi ce nom Pelargonium ?
Cela vient toujours du grec, donc Pelargos qui signifie Cigogne.

Et pourquoi Geranium des Indes ou Pelargonium Triste ?
C'est là que l'histoire l'histoire se complique !

Lorsque le premier pied de cette plante arriva par la Compagnie des Indes il fallut lui donner un nom en le décrivant. Il existait déjà en Europe des géraniums vivaces qui devaient leur nom au grec Geranos ce qui veut dire Grue. Si vous regardez les fruits de cette plante cela ressemble au bec de cet oiseau. Le premier à employer ce mot fut le grec Dioscorides, médecin grec qui publiait un ouvrage "De Materia Medica" dans lequel il décrivait et nommait avec le nom populaire les plantes qu'il utilisait.

Le nouvel arrivant lui ressemblait étrangement et avait le même genre de fruit,.. donc en avant pour "Geranium" et comme on pensait qu'il venait des "Indes" par la Compagnie des Indes autant associer les deux noms "Géranium et Indes". Il fallait le décrire un peu plus alors,.. en avant pour "odorant pendant la nuit".

Mais, plus les bateaux étaient nombreux, plus de nouveaux géraniums des Indes arrivaient, pas tous identiques. Alors il fallut revoir la copie et donner un nouveau nom à ce groupe. Le Cap n'étant pas aux Indes et les fruits de ces plantes ressemblant à des becs de cigogne, en 1732 Johann Jacob Dillen, dit Dillenius, botaniste britannique d'origine allemande (1684-1747), eut l'idée mais sans l'appliquer que l'on pourrait les classer dans une rubrique du nom de : PELARGONIUM , cela suivant la classification de notre botaniste d'Aix-en-Provence Joseph Pitton deTournefort (1656-1708). Vous savez le monsieur qui donna leur nom aux Capucines.

Mais c'était trop simple !

Notre cher Carl Linné, (le botaniste suédois dont vous avez vu le portrait peint par Alexandre Roslin autre suédois), il avait vu le travail de Dillenius en 1736 à Oxford,... mais avait prévu une tout autre classification qui veut qu'une plante se définisse par un nom du genre et un adjectif. D'autre part, en botanique, l'usage veut que c'est le premier qui fait une description complète qui fasse autorité. Donc Carl Linné le met à nouveau dans le genre GERANIUM tout comme les vingts autres pélargonium en circulation à cette époque.
herbier_de_linn__pelargo_triste
Herbier de Linné
: le Geranium Triste

Mais les géraniums-pelargoniums se faisant de plus en plus nombreux et les variétés cultivées également, il fallut réagir. Il fallut commencer à trier entre toutes ces plantes qui se ressemblaient et classer entre les vrais et les faux géraniums, les pélargoniums, les érodiums, les monsonia et les sarcocaulons,... cela en se fondant sur la forme des fleurs, puis en créant des sous groupes en fonction du feuillage ainsi que d'autres caractéristiques.

Charles Louis L'Heritier de Brutelle, un magistrat français aimant la botanique, tiendra un herbier de 8000 espèces de plantes et surtout publiera en 1792 un ouvrage Geranologia dans lequel il faisait la distinction entre les géraniums, les pélargoniums et les érodiums. (Il s'adjoindra les talents du dessinateur le jeune Redouté pour les illustrations de ces plantes) Lorsque vous verrez le terme "geranium" dans un livre de botanique il sera toujours associé à celui de Charles Louis l'Heritier de Brutelle car il fut le premier à l'avoir décrit correctement alors que tant d'autres à la même époque l'ont simplement cité dans de longues listes de plantes.

Un botaniste espagnol précepteur des enfants de l'ambassadeur de la couronne d'Espagne à Paris de 1777 à 1789 s'y emploiera également; son nom : Antonio José Cavanilles.

Pelargonium_semitrilobum

Comme dans les grandes réunions de famille, plus on est nombreux moins on sait, qui est qui, et qui descend de qui ! On se doit alors de se promener avec un arbre généalogique sous le bras.

Nous voilà donc en botanique avec une nouvelle classification, notre plante astringente et aromatique appartient à : une grande famille les Dicotylédones, hermaphrodites qui comprennent environ 750 espèces, elles mêmes réparties dans 25 Genres, qui se divisent en sept Tribus dans l'ordre des Géraniales
Histoire de rire je vous mets le jeu des 7 tribus dans l'ordre des Géraniales.

Tribu 1 - les géraniacées avec les genres : biebersteinia, monsonia, sarcocauton, geranium, erodium
Tribu 2 - les pélargoniées avec les genres : pélargonium, tropaeolum,
Tribu 3 - les limnanthées avec les genres : limnanthes
Tribu 4 - les vivianées avec les genres : viviana
Tribu 5 - les wendtiées avec les genres :balbisia
Tribu 6 - les oxalidacées avec les genres : oxalis, biophytum, avverhoa,
Tribu 7- les balsaminées avec les genres : impatiens, hydrocera, tytonia

Dès 1981 de 7 tribus on passe à 5 tribus avec les balsaminacées, oxylidacées, limnanthacées, tropaeolacées, et les géraniacées (comprenant les géraniums et pélargoniums).

Et dans le genre pélargonium on trouve les espèces suivantes : graveolens (odorant), ×hybridum (hybride), inquinans, peltatum (lierre), zonale. Puis dans les espèces on trouve des sections et dans les sections des variétés. Ouf j'arrive au bout.

Vous avez tout suivi, tout bien compris,... et bien toute cette classification était encore valable jusqu'en 2003 mais maintenant avec l'ADN tout change à nouveau si bien que notre brave Linné y perdrait son latin.

Et notre pélargonium où est-il dans tout cela?

Avec la révolution de l'ADN, dans l'ordre des Géraniales, notre pélargonium appartient encore aux Géraniacées avec pour compagnons les : geranium, erodium, dirachma, biebersteinia, monsonia, sarcocaulon.

Nos Géraniacées fréquentent maintenant d'autres familles telles que Ledocarpaceae (balbisia, wendtia, rhynchotheca), Melianthaceae (bersama, mélianthus), Vivianiaceae (viviania).

(Fini le cousinage avec les balsaminacées, oxylidacées, limnanthacées, tropaeolacées qui ne sont plus dans l'ordre des Géraniales. Certains classeront même les biebersteinia dans l'ordre des sapindales)

 

Notre pélargonium pourrait encore très "simplement" se nommer

(variété) Exstipulatum (Cav.) L'Herit. de (section) Reniformia de (genre) Pélargonium de (famille) Géraniacées de (classe) Dicotylédones appartenant royaume des plantes vasculaires à fleurs et à graines.   
Cela vaut bien des titres nobiliaires !

Pelargonium_paniculatumpelargonium_hamatumPelargonium_denticulatum

Vous trouverez parfois accolé aux noms des plantes des Lettres Majuscules. La nomenclature de Linné ne donnant pas de description il fallait la retrouver dans des livres des botanistes qui les premiers les avaient faites. Ainsi DC indique De Candolle, L celui de Linné, Lindl celui de John Lindley, L'Herit. pour Charles Louis L'Heritier de Brutelle, Cav pour Antonio José Canavilles. Le reste de la liste vous le trouverez LA

La folie du "géranium" gagne l'Europe et les jardiniers amateurs (militaires compris) s'échangent des boutures malgré les guerres napoléoniennes et les blocus.
Le premier français Pelergomane fut Nicolas Lémon (1787-1837) qui apprit son métier de jardinier chez son oncle lui-même jardinier chez le Général Gouvion-Saint-Cyr au château de Malgrange près de Nancy. En 1815 il s'installa à son compte et s'établit près de la barrière de Belleville (Paris 20ème). En 1825 sa collection était déjà réputée mais il décidait d'en sélectionner qu'une cinquantaine qu'il devait croiser avec d'autres nouvelles souches venues d'Afrique du Sud. En 1835 ses sélections remplissaient une pleine page du "Bon Jardinier".
Il fut suivi par Pierre Chauvière (1799-1888) également horticulteur à Paris, à qui l'on doit le premier manuel de culture des Pélargoniums.
Vint ensuite Georges Bruant (1842-1912) qui en 1864 créait les pelargoniums à gros bois à grand développement et à grandes fleurs tels "Le Poitou", "Nuit poitevine", "Bruant", ou encore "Beauté Poitevine".

Il y eut tant de créations de variétés de pélargoniums que parfois seul un tout petit détail les distinguait.
En France ce fut le goût pour les fleurs doubles et les fleurs blanches qui transportait tous nos amateurs. En 1863 un horticulteur de Clermont-Ferrand expose "Gloire de Clermont" et déclenche une polémique car son plant a des fleurs presque doubles mais vertes.

Dans une ambiance survoltée avec accusation de vols d'étamines et de trafic de boutures, c'est finalement Victor Lemoine (1823-1911) horticulteur à Nancy qui battit tout le monde avec le premier pélargonium rouge à fleurs doubles "Gloire de Nancy".

Si la passion des pélargoniums s'est émoussée avec le temps il n'en reste pas moins que chaque printemps nous nous ruons toutes chez les pépiniéristes où l'étendue du choix est grande,
pour garnir nos balcons ou nos jardins de pélargoniums zonales, lierres, de fleuristes ou odorants.


p_largos

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Commentaires
C
Toujours attentives à tes billets...
C
et aller me lire tout ça au lit ! les travaux tirent à leur fin, il est temps ! j'en ai ras-le-bol ! bisous tout plein !
M
alors,oui ou non pour tes balconnières?????<br /> Bisous du soir<br /> La mule taquine
S
...no comment !!!
P
je suis une passionnee des planches d'herboristerie....mais alors avec l explication c est encore mieux !!<br /> Merci encore de nous eclairer joliment sur les merveilles de la nature<br /> pimprenelle toute joyeuse !!
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